LA PETITE REVUE
Critique littéraire et théâtrale
Feb 19, 2025
Mathieu Scarifi (Marc Citti) vient de perdre sa mère après une « longue descente vers la fin ». Prévenu un matin par un coup de téléphone qui « ne présageait rien de bon », il se rend dans l’EPHAD où Paula (Julie Delarme) a vécu ses dernières semaines. Parvenu dans sa chambre, Mathieu voit apparaître sa mère telle qu’il la connut adolescent. Ils entament alors une cavale périurbaine pour tenter d’échapper au « cours des choses ».
Voilà plus d’une décennie que Marc Citti nous fait partager la vie de son double fictionnel, Mathieu Scarifi, comédien attachant et souvent embarrassé par son existence. Martyrisé par sa metteuse en scène lors de répétitions de Richard III (« Kiss Richard », 2013), en tournée à Oyonnax dans des rôles (très) secondaires de « Hamlet » (« Le temps des suricates », 2014), émerveillé par sa paternité tardive (« Les vies de Swann », 2018), Mathieu doit aujourd’hui affronter un deuil intime.
Sur des thèmes universels mais délicats (la mort, la perte de sa jeunesse, la difficulté de communiquer, l’amour inconditionnel d’un parent), Marc Citti a écrit un texte sans pathos, surprenant, parfois émouvant et souvent drôle. Mêlant références aux années 80 (l’élection de Marguerite Yourcenar à l’académie française ou « Radioscopie » de Jacques Chancel), onirisme et absurde, le texte passe d’une époque à l’autre et du rêve à la réalité sans jamais perdre sa fluidité. La mise en scène de Stéphane Cottin et le travail vidéo de Léonard sont très élégants et les deux comédiens, d’une grande humanité, excellents.
« On perd sa mère, on parle de soi » résume joliment Mathieu Scarifi au début de la pièce. Ce n’est pas tout à fait juste : cet hommage aux êtres aimés – et, comme toujours chez Marc Citti, au pouvoir consolant du théâtre – pourrait bien, en effet, résonner en chacun de nous.
Y. A.
« Le voyage de Paula S. », Théâtre Montparnasse (petite salle), jusqu’au 30 avril 2025 (durée : 1h20).